Le 17 mars 2010, le Service de presse du Saint-Siège a annoncé la création de la quatrième Commission d’enquête sur Medjugorje par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (CDF).
Le cas d’apparitions présumées de la Vierge Marie à six visionnaires croates depuis 1981 attire notre attention d’une façon particulière.
Des experts mandatés par la plus haute autorité de l’Église universelle examinent aujourd’hui, à Rome, un verdict qui paraissait évident à d’autres experts réunis par l’autorité diocésaine de l’Église de Mostar, il y a 24 ans.
Quels facteurs déterminants ont rendu cette situation apparemment complexe et les observateurs critiques plus que perplexes ?
Pendant les semaines et les mois à venir, nous tenterons, à notre façon, d’ouvrir le sac de nœuds medjugorjiens, en pleine conscience qu’il appartiendra à la nouvelle Commission de les trancher…
En ce premier segment d’un éditorial dont le titre annonce ses couleurs critiques, j’invite les lectrices et lecteurs de ce nouveau blogue à prendre connaissance de mon itinéraire.
Ma démarche personnelle
Je m’appelle Louis Bélanger et je suis né à Québec, en 1941. Après mes études au cours classique et en sciences politiques (option relations internationales) à l’Université Laval de Québec, j’ai poursuivi ma recherche en psychologie et en parapsychologie à l’Université de Freiburg en Allemagne fédérale (1968-1974). En 1975, on m’a invité à créer les cours de parapsychologie que j’ai dénommée psilogie à l’Université de Montréal et à l’Université du Québec à Montréal. J’ai pris ma retraite de l’enseignement universitaire en 2005.
Ma visite à Medjugorje
À l’automne de 1984, un documentaire français diffusé à la télévision de Radio-Canada attira mon attention. Il suggérait que la Vierge Marie apparaissait quotidiennement à de jeunes Croates en état d’extase.
Ces rencontres rapprochées de la transcendance m’ont interpellé, quarante mois après le début des événements. Ma mère venait de s’éteindre. Entraîné dans sa mourance, je n’eus pas conscience de l’imploration: notre Mère céleste daignerait-elle suppléer à ce deuil déchirant ?
Je me retrouvai à Medjugorje, en janvier 1985, muni d’une « déclaration d’intention » que je présentai aux Franciscains de la paroisse et à l’évêque de Mostar, Mgr Pavao Zanic.
Ce n’est pas dans un esprit de foi mais plutôt dans un esprit de recherche scientifique que je me rends à Medjugorje.
La prise de position ferme de l’évêque de Mostar sur de prétendues hallucinations collectives ne m’empêche pas d’avoir un préjugé favorable quant à l’existence de phénomènes authentiques (phénomènes lumineux, comportements extatiques…) reliés aux premiers jours des apparitions.
Je connais les points de tension qui existent dans la relation entre les franciscains et l’évêque de Mostar. Je ne prends pas parti pour l’un ou l’autre « camp » et je souhaite pouvoir les rencontrer dans un esprit de recherche.
Je suis intéressé à la physique, à la physiologie, à la psychologie et à la psilogie des apparitions. Dans cette perspective, les rapports des scientifiques qui ont observé et testé sur les lieux m’intéressent au plus haut point et j’aimerais y avoir accès.
Si ces disciplines scientifiques s’avèrent impuissantes à expliquer les phénomènes constatés, il faudra tenir compte du recours à la « transcendance » qui demande à être respectée, même si les règles du jeu scientifique ne permettent pas au chercheur de se prononcer sur celle-ci.
Le village était pénétré par le froid sibérien qui saisissait toute cette région de Bosnie-Herzégovine. Je côtoyai quelques valeureux pèlerins et des fidèles épars, dans ce désert glacé. J’y filmai les visionnaires, j’y recherchai l’extase et j’y ressentis une impression d’arrière-boutique.
De retour au Canada, j’éprouvai le besoin d’articuler mon désenchantement. Certaines âmes pieuses me le reprochèrent. On soupçonnait dans cette démarche l’influence perfide de satan dont la Vierge devait bientôt écraser la tête. Par surcroît, une fracture à la colonne vertébrale me terrassa et fit cesser mes ardeurs critiques. Du moins, jusqu‘à ce qu‘un Franciscain, né et élevé à Medjugorje, m‘encourageât à poursuivre ma quête de transparence.
Ma rencontre avec le père franciscain Ivo Sivric
Le père Ivo Sivric me joignit à l’Université de Montréal. Des États-Unis, son pays d‘adoption, il m’expédia un manuscrit sur les phénomènes de Medjugorje dont il venait de terminer la rédaction. Si j’écrivais « favorablement et sans examen critique », me confia-t-il, « il n’y aurait aucune difficulté à trouver un éditeur. Que me suggérez-vous ? »
Je lui proposai d’unir nos efforts pour parfaire nos points de vue théologique et psychologique respectifs. Un même esprit nous animait: celui de découvrir le fond des événements de Medjugorje et d’inviter les lecteurs qui apprécieraient notre démarche à devenir plus avertis de cette question. Le père Sivric accepta d’emblée. Ce fut le point de départ d’une étroite collaboration.
Il m‘importait de traduire soigneusement les documents sonores dont il disposait, apparemment identiques aux cassettes que l’évêque de Mostar m’avait confiées. A ma demande, le père Sivric commença à transcrire le texte croate et à dicter la version anglaise des entrevues avec les visionnaires que le personnel pastoral de Medjugore avait enregistrées sur bandes magnétiques, dès le quatrième jour des événements.
Pendant mon premier séjour d’une semaine à Saint-Louis (Missouri), en juillet 1986, l‘échange de cassettes nous permit de constater que nos sources étaient complémentaires. Il fallait vite traduire les documents «retrouvés» avant le nouveau départ du père Sivric vers la Yougoslavie. Ses vacances, ou plutôt ses recherches de trois mois « sur le terrain » furent préparées avec minutie.
De Medjugorje, il m‘expédia les réponses aux centaines de questions que je lui avais réservées. Puis il se voua inlassablement à la réalisation d’entrevues avec des témoins des premiers jours et à la consultation des archives à l’évêché de Mostar.
Lors de ma deuxième visite prolongée à Saint-Louis, en janvier 1987, le père Sivric dressa le bilan de son troisième voyage depuis 1981, et je recueillis les écrits qui n’avaient pu être transmis par la poste. Le résultat s’avéra impressionnant: le nombre de pages de son manuscrit, incluant les transcriptions que nous tenions à rendre publiques, avait triplé en quatorze mois. Il fallut consacrer le reste de l’année à la réorganisation du matériel, à l’écoute attentive et répétée des cassettes, au passage ardu et combien périlleux, aller et retour, du croate à l’anglais et de l’anglais au français.
La publication de La face cachée de Medjugorje
Notre collaboration aboutit à la publication de La face cachée de Medjugorje. Le premier tome est réservé à la contribution du père Sivric qui tente de mettre en relief des incongruités, des contradictions, des demi-vérités, des faussetés concernant les événements qui se passent à Medjugorje et qui ont été laissés de côté ou volontairement dissimulés jusqu’à ce jour.
Dans les deux premiers chapitres, l’auteur présente surtout son village natal et ses sources de documentation, le groupe des visionnaires et la position du magistère de l’Église concernant les apparitions de Marie.
Les trois chapitres suivants traitent principalement des dix premiers jours des «apparitions», de signes célestes qui n‘en sont pas, de certaines attitudes et de certains comportements des visionnaires qui posent problème.
Du chapitre six au chapitre neuf, le père Sivric présente les résultats de ses recherches sur le rôle des Franciscains de Medjugorje ainsi que sur l’attitude et les interventions de l’évêque du lieu et de la Commission mise sur pied pour évaluer l’ensemble de la question.
Enfin, dans les deux derniers chapitres, l’auteur propose essentiellement une mise à jour des derniers événements survenus à Medjugorje et une tentative d’explication des présumées apparitions. Il invite le lecteur à juger par lui-même s’il demeure désormais possible d’y voir la présence et l’action de la Madone.
* * *
Dans les deux prochains segments de ce premier éditorial, nous dévoilerons certains artifices mis en oeuvre par des promoteurs de la Dame de Medjugorje. À nos yeux, ces procédés fallacieux constituent le noyau d’objections cruciales examinées par trois commissions dont les deux dernières ont conclu au non constat de supernaturalitate ou, autrement dit, à l’absence de preuve manifeste que la Dame de Medjugorje est la Vierge Marie.
À lire les commentaires qui fusent de toutes parts depuis l’annonce du 17 mars, il semble qu’on ne saisisse pas la signification et la portée de ce verdict. Les promoteurs de ce lieu de pèlerinage en font le dénouement autoritaire d’une lutte sans merci entre l’Ordinaire du lieu et les Franciscains de Medjugorje.
On oublie que le non constat est le fait combiné de l’évêque de Mostar assisté par 19 experts et de 19 évêques sur les 20 membres de la Conférence épiscopale yougoslave conseillés par 15 autres experts qui se sont prononcés sur la question, à Mostar en 1986 et à Zadar en 1991.
Si les 20 membres de la nouvelle Commission ne voient toujours pas le Grand signe imminent annoncé par la Dame de Medjugorje en 1981, ou quelque autre événement miraculeux survenu depuis la Déclaration de Zadar, ne leur sera-t-il pas délicat de renverser le jugement diocésain rendu il y a 24 ans — et confirmé plus tard par les évêques de Yougoslavie — sans porter atteinte à la crédibilité de leurs prédécesseurs ?
Quoi qu’il en soit, alors que la plupart des documents et sources fiables sont accessibles aux observateurs de bonne foi, le fidèle proactif ne gagnerait-il pas à tenter de comprendre la signification de ce jugement passé, plutôt qu’à attendre passivement ou à spéculer vainement sur le verdict à venir ?
Mes limites
Avant de vous quitter, j’aimerais situer mes limites dans cette communication mutuelle que vous ne manquerez pas d’enrichir de vos propres commentaires et réflexions.
Je suis un tout nouveau venu dans la blogosphère dont je ne maîtrise pas encore tous les aspects techniques. L’entrée en scène de mon ami et webmestre Stéphane Thibault m’a permis de brûler certaines étapes qu’il a lui-même assumées avec WordPress et je lui en suis très reconnaissant.
De surcroît, je prends sur moi une double occupation : celle d’une édition anglaise de medjupedia qui exige plus de temps pour l’écriture et celle de la modération dans les deux langues qui visera les commentaires mais aussi les interventions d’anonymes qui seront d’emblée éliminées.
Je vous prie donc de tenir compte de ces limites, lorsque vous m’adresserez vos questions, tout en vous invitant à exprimer vos commentaires critiques et perspicaces.
Cordialement,
Eric Ouellet
juin 26th, 2010 à 15:52