« Seulement trois jours de plus ! »

La fin des « apparitions » annoncée par la Dame de Medjugorje a soulevé l’objection la plus importante qui ait entravé la reconnaissance du caractère surnaturel des événements de Medjugorje.

Selon les déclarations des visionnaires enregistrées sur ruban magnétique, la Gospa – mot croate qui désigne la Madone – annonça, le 30 juin 1981, qu’elle leur rendrait visite encore trois fois. Le 3 juillet, dix jours après le début des événements, les visionnaires confirmèrent à l’unisson, devant cinq adultes dont trois prêtres, que leurs rencontres avec la Gospa étaient bel et bien terminées.

Vingt-neuf ans plus tard, en 2010, elle « apparaît » encore quotidiennement à quelques visionnaires ! Que s’est-il passé ?

Dans cet éditorial sur La grande dissimulation historique de Medjugorje, nous tenterons d’établir les faits qui constituent la base solide de ce décèlement inquiétant.

Puis, dans la contribution suivante sur la duplicité proprement dite, nous pointerons les manœuvres déployées par des informateurs et protagonistes-clés pour camoufler ces informations qui risquaient de « nuire à la bonne cause ».

Nos sources premières

Il s’agit de la première tranche du « Journal » de Vicka, l’une des visionnaires, et de 15 transcriptions de conversations enregistrées sur ruban magnétique entre les visionnaires et le personnel pastoral de la paroisse St-Jacques de Medjugorje, du 27 au 30 juin 1981. J’ai présenté ailleurs ma rencontre avec le père franciscain Ivo Sivric et les modalités de notre collaboration qui aboutit à la publication de La face cachée de Medjugorje,  en 1988, et de sa version anglaise, The Hidden Side of Medjugorje,  en 1989.

Nos sources premières ?

Plus personne ne doute aujourd’hui de l’authenticité des documents magnétophoniques qui ont été transcrits. Les originaux ont été déposés aux archives de la paroisse de Medjugorje, et des duplicatas se retrouvent, entre autres lieux, à l’évêché de Mostar et chez M. Grgo Kozina, un paroissien qui en a généreusement fourni des reproductions au père Ivo Sivric et à Mme Daria Klanac, fervente de Medjugorje.

Nos transcriptions sont-elles fiables ?

En 1987, j’ai demandé à l’évêque de Mostar de confirmer, par écrit, sa permission de publier en validant chacun des trente-huit documents écrits et sonores qu’il mettait à notre disposition, de même que leur traduction en langue française qu’il connaissait bien. Il s’y prêta de bonne grâce comme en font foi les deux premières pages d’une liste complète qu’il a paraphée.

Donal Anthony Foley, un auteur rigoureux dont je ne saurais trop recommander la lectureUnderstanding Medjugorje – Heavenly Visions or Religious Illusion? – et qui connaît bien la langue française, a comparé les transcriptions effectuées par le père Sivric et par mes soins à celles qu’a publiées Mme Klanac, dix ans plus tard.

Il faudrait un article entier – que je me promets de rédiger un de ces jours – pour traiter de la question en évaluant les forces et les faiblesses de chacun des auteurs/traducteurs. Qu’il soit dit, pour le moment, que le jugement de M. Foley est positif : nos transcriptions sont fiables… On peut lire son analyse dans son livre, p. 38-43, mais aussi sur Internet dont le document garde la même pagination.

Un théologien et psychologue dont la langue maternelle est le croate, Ivan Zeljko, a aussi rendu hommage au père Sivric dans sa thèse de doctorat en théologie (452 pages, 1621 notes) publiée en 2004 : Marienerscheinungen – Schein und Sein aus theologischer und psychologischer Sicht – Dargestellt am Beispiel der Privatoffenbarungen in Medjugorje.

Voici, traduit par mes soins, un court passage qui reflète son respect pour l’oeuvre du père Sivric qui, à sa connaissance, est « la seule étude sur les événements de Medjugorje qui soit fondée scientifiquement. […] Dans cette étude critique, Sivric soumet, en plus de nombreux renseignements et documents importants sur Medjugorje, les premières entrevues enregistrées sur bande magnétique qui aient été rendues accessibles au public pour la première fois. » (p. 27-28)

Quant au chroniqueur prolifique et fervent des apparitions medjugorjiennes, l’abbé René Laurentin, il a rapidement réagi à la publication de La face cachée de Medjugorje en reconnaissant la valeur de l’oeuvre :

Disons plutôt les mérites du père Sivric. Il a publié et traduit les nombreuses interviews des voyants, enregistrées dès les premiers jours, et rassemblées par Mgr Zanic et sa Commission.

Je n’ignore pas ces cassettes, je les utilise pas à pas dans mon Récit des apparitions et ailleurs, les ayant fait traduire, par des amis croates…

Les sources sont fondamentales… Les nombreux documents croates traduits rendront service aux spécialistes…

On ne peut donc que le féliciter d’avoir déchiffré et édité conscieusement ces interviews éprouvantes, ainsi que la première [tranche] du Journal de Vicka… Quiconque a le sens critique peut tirer de ces interviews spontanées des éléments utiles…

Bref, l’auteur est sincère et consciencieux, …sa documentation immense, …ses intentions pacifiques. [Quant à la façon du père Sivric de présenter les événements,] il serait impertinent, faux et injurieux de la dire mensongère. …Le zèle du père Sivric est sincère, donc louable en l’intention. [7 années d’apparitions – Le temps de la moisson ? Dernières nouvelles de Medjugorje No 7 – Juin 1988, p. 35-42]

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30 juin 1981 :

Les visionnaires annoncent la fin des « apparitions »

Dans la matinée

Le curé de la paroisse, le père Jozo Zovko, s’entretient avec Mirjana Dragicevic dans la matinée.  L’entrevue est enregistrée au presbytère. [cf La face cachée de Medjugorje, annexe 14, p. 329] :

Père ZOVKO: Penses-tu qu’elle viendra ce soir ?

MIRJANA: Je pense qu’elle viendra, c’est sûr, elle nous l’a dit.

Père ZOVKO: Peut-être qu’elle ne le fera pas.

MIRJANA: Je vais lui demander combien de jours encore elle va rester avec nous, de nous dire exactement combien de jours encore elle va être avec nous…

[…]

Père ZOVKO: Pour combien de jours encore penses-tu que tu vas la voir?

MIRJANA: Quelque chose ne cesse de me dire: deux ou trois jours de plus…

Dans la soirée

Avant de reproduire les paroles des visionnaires adressées au curé dans la soirée du 30 juin 1981, il importe de situer le contexte de l’événement.

L’« apparition » n’a pas lieu sur la colline Podbrdo, comme aux jours précédents, mais dans le village voisin de Cerno, à six ou sept kilomètres de Medjugorje, le long de la route qui relie Mostar à Citluk et à Ljubuski. Deux jeunes femmes accompagnent les cinq visionnaires depuis le début de l’après-midi – Ivan est absent.

Voici comment le père Sivric esquisse le revirement de situation : [La face cachée de Medjugorje, p. 44-46]

Mica Ivankovic, ma cousine au second degré, est travailleuse sociale à Citluk, à l’emploi du comté. Elle n’est pas membre du Parti; elle assiste à la messe et communie tous les dimanches. Elle est maintenant mariée.

Ljubica Vasilj-Gluvic vit à Sarajevo. Employée du gouvernement de la République de Bosnie-Herzégovine, elle travaille au Conseil exécutif et est membre du Parti communiste. Ljubica s’avère un être charmant, du témoignage même des visionnaires qui n’avaient que des éloges à l’endroit des deux jeunes femmes.

À Cerno, elles se tenaient à côté des visionnaires et, rappelons-le, elles leur ont suggéré la question qu’ils pourraient poser à la Gospa. Mais, quelques heures plus tard, devant eux et le père Zovko, elles ont déclaré qu’elles n’avaient « rien vu ni rien entendu. »

Nous présentons ces renseignements, car on a fait circuler plus tard au pays et à l’étranger toutes sortes d’histoires malveillantes au sujet de ces deux personnes distinguées. On a fait de même contre d’autres personnes innocentes.

L’idée sous-jacente à toutes ces calomnies était et demeure encore de laisser entendre aux gens que Dieu en veut à ceux qui, de quelque façon que ce soit, n’approuvent pas ou ne supportent pas les apparitions de la Gospa à Medjugorje ou s’y opposent.

Lorsque le père Zovko exprima le désir de connaître qui avait eu l’idée d’aller à Cerno et qu’il laissa entendre que cette idée avait pu venir d’autres personnes que les visionnaires, ces derniers protestèrent avec véhémence, affirmant à l’unisson:

« Ce fut notre idée, et c’est nous qui avons décidé de l’endroit! » La protestation la plus énergique vint de Vicka qui ajouta: « C’est nous qui avons choisi l’endroit et tout le reste, et nous n’avions besoin de personne pour nous le dire! »

Quant à leur arrêt à Cerno, ce fut tout à fait fortuit: c’est là qu’ils arrivaient à 18 h. Mica lui dit que les autorités communistes de Citluk n’avaient pas envisagé d’éloigner les visionnaires de Medjugorje ce même jour, non plus qu’elles, Mica et Ljubica, n’avaient été envoyées par quelque officiel pour accomplir cette tâche.

L’idée de s’éloigner de Medjugorje vint d’abord des visionnaires eux-mêmes afin de vérifier si la Gospa pouvait apparaître ailleurs.

Mica et Ljubica emmenèrent donc les visionnaires, à l’exception d’Ivan, pour une ballade en automobile. Tous allèrent d’abord au parc d’amusement de Pocitelj, puis s’arrêtèrent à Capljina et aux chutes de Kravica avant de retourner finalement à Medjugorje.

Lorsque vint le temps des visions, Ljubica arrêta la voiture, et tous descendirent. Les visionnaires se retirèrent pour avoir leur vision, mais les deux jeunes femmes se tinrent près d’eux pour voir ce qu’ils demanderaient. Cette fois-ci, Mirjana conversa avec la Gospa et lui posa quelques questions. Sur la route du retour, les visionnaires s’arrêtèrent au presbytère de Medjugorje où ils furent interrogés par le père Zovko.

« Encore trois jours, ce qui signifie jusqu’à vendredi. »

Dès leur entrée au presbytère, les visionnaires racontent au père Zovko ce qui vient de se passer à Cerno, et non à la colline Podbrdo : [cf La face cachée de Medjugorje, annexe 16, p. 346]

Père ZOVKO: S’il te plaît, dis-moi en détail ce dont tu as parlé avec la Gospa.

MIRJANA: Je lui ai demandé combien de jours elle va rester encore avec nous, exactement combien de jours elle va rester avec nous. Elle a dit: « Encore trois jours. »

Père ZOVKO: Encore…

MIRJANA: Encore trois jours, ce qui signifie jusqu’à vendredi. Ensuite, nous lui avons demandé si elle était fâchée, car nous avions quitté le Podbrdo pour venir ici, à l’autre endroit. Elle a dit qu’elle n’était pas fâchée.

Père ZOVKO: Où est-ce?

MIRJANA: Nous avons laissé une marque là-bas où nous avons été.

Père ZOVKO: Etait-ce près de la route?

MIRJANA: Oui. Puis nous lui avons demandé si elle se fâcherait si nous n’allions plus au Podbrdo mais plutôt à l’église. Elle était plutôt indécise lorsque nous lui avons posé cette question. C’était comme si elle n’aimait pas cela. Mais finalement, elle dit qu’elle ne se fâcherait pas.

Une deuxième confirmation, de Mirjana. [cf La face cachée de Medjugorje, annexe 16, p. 347]

UNE DES VISIONNAIRES: Elle apparaîtrait à la même heure.

MIRJANA: La Gospa s’est informée au sujet d’Ivan: « Où est l’autre garçon? »

Père ZOVKO: Attends ! Est-ce que cela va avoir lieu à l’église, à 18 h 30 ?

MIRJANA: Oui.

Père ZOVKO (très surpris): Quoi ?

MIRJANA: On pourrait venir à l’église à 18 h 30.

Père ZOVKO: Quand ?

MIRJANA: Jusqu’à vendredi, ce qui signifie mercredi, jeudi, vendredi.

Père ZOVKO: Par conséquent, vous serez à l’église demain ?

MIRJANA: Oui.

Une troisième confirmation, de Mica : [cf La face cachée de Medjugorje, annexe 16, p. 362]

Mica IVANKOVIC: …Ils ont posé deux ou trois questions. Puis je leur ai demandé si la Bienheureuse Vierge Marie était d’accord pour apparaître dans l’église. Ils ont répondu qu’elle a souri et qu’elle a dit qu’elle le ferait. Alors Mirjana a demandé à quelle heure. Ça, c’est quelque chose que je ne leur ai pas demandé. La Gospa dit : « A la même heure. »

Et elle demanda encore combien de fois encore elle allait leur apparaître. Ils ont dit à l’unisson: « Trois fois. » Alors Mirjana—je ne me souviens plus maintenant si c’était Mirjana ou quelqu’un d’autre—a demandé de laisser un signe.

JAKOV: C’était moi.

Enfin, quatre autres confirmations en cascade ! [cf La face cachée de Medjugorje, annexe 16, p. 372]

Mica IVANKOVIC: Puis Mirjana, seule, a demandé: « A quelle heure ? » Elle [la Gospa] a dit: « A la même heure ! Alors Mirjana a demandé de nouveau combien de fois encore elle apparaîtrait. Elle a dit: « Trois autres fois ! »

? (très probablement le père KOSIR): Qui a dit cela ?

UNE DES VISIONNAIRES: La Gospa.

? (très probablement le père KOSIR): Qui de vous a dit cela ?

MIRJANA (très probablement): Moi.

?:…(incompréhensible). Remarque d’Ivo Sivric: Les voix s’entremêlent.

Père ZOVKO: Bien, cela m’intéresse. « Trois autres fois ! » Bien, quand tout cela va-t-il se terminer ?

LES VISIONNAIRES (à l’unisson): Vendredi.

Mica IVANKOVIC: Ils ont dit plus tard: « Vendredi ».

Père ZOVKO: Où est-ce que cela va se terminer ?

JAKOV: Dans l’église.

MIRJANA: Sauf si la Gospa nous dit que peut-être elle préférerait apparaître sur la colline le dernier jour…

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Qu’avons-nous montré dans cette première partie de La grande dissimulation ?

Nos sources sont authentiques, les transcriptions sont fiables et même appréciées par l’un des plus grands propagandistes de Medjugorje.

D’une manière explicite, sans la moindre ambiguïté, les visionnaires nous transmettent avec précision, d’un commun accord, l’annonce de la fin des « apparitions » par la Dame de Medjugorje.

On se serait attendu à ce que cette annonce capitale soit communiquée avec toute sa teneur véridique par les protagonistes éminents de Medjugorje qui en connaissaient l’existence dès le début des événements.

Il n’en fut rien.

On la dissimula jusqu’à la publication de La face cachée de Medjugorje, et même au-delà, car la grande majorité des pèlerins fervents et des adeptes intolérants à la critique en ignorent l’existence.

Dans notre prochaine contribution éditoriale sur la duplicité proprement dite, nous pointerons les manœuvres déployées par des informateurs et protagonistes-clés pour camoufler ces informations qui risquaient de « nuire à la bonne cause ».

Vos commentaires sont les bienvenus, sauf ceux des « anonymes » qui seront éliminés d’emblée.

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Avec mes salutations cordiales,

Louis Bélanger