La télévision réalité dépeint fréquemment une forme de réalité modifiée et très orientée, en usant de sensationnalisme pour attirer les spectateurs et ainsi générer des profits publicitaires. Les participants, souvent situés dans des lieux exotiques ou inusités, sont quelquefois entraînés à agir conformément à des canevas écrits d’avance par des scénaristes ou des producteurs. Ces derniers présentent des événements et des dialogues en les manipulant de telle sorte qu’ils parviennent à créer une illusion de réalité au moyen de montages et autres techniques de finalisation du produit.
[traduction libre de l’article de Wikipedia en anglais]
Depuis l’avertissement exprimé par les membres d’une équipe internationale de médecins et psychiatres, il y a plus d’un quart de siècle, rien ne s’est amélioré dans l’univers mystifiant de Medjugorje, comme le montrent les titres d’articles et de segments vidéographiques suivants parus surtout dans le monde anglophone :
– Une apparition pendant une conférence de presse ?
– Marija en extase, ce soir dans la chambre à coucher
– La visionnaire Vicka de Medjugorje à l’émission de fin de soirée
– La visionnaire de Medjugorje fait de l’effet
– Cinq apparitions de la Reine de la Paix – 19-23 mars 2011 – à Caritas, Alabama, avec la visionnaire Marija
– Le visionnaire Ivan témoigne au Massachusetts
– Les visionnaires Ivan et Marija à la cathédrale de Vienne…
Les visionnaires s’exposent ou sont soumis à une énorme pression de la part des médias et des pèlerins qui désirent les voir et les toucher, avant, pendant et après les présumées apparitions de la « Gospa ».
Le personnel pastoral de Medjugorje est responsable pour une grande part de ce gâchis pastoral, avec la complicité d’autres prêtres, évêques et même cardinaux qui affluent là-bas en provenance du monde entier.
Ils ont ignoré et ignorent encore les avertissements et recommandations exprimés par une équipe de trois médecins et de deux psychiatres spécialisés en pastorale qui les ont livrés à l’évêque de Mostar, Mgr Pavao Zanic, aux pères Slavko Barbaric et Tomislav Vlasic, au Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, le Cardinal Joseph Ratzinger et au Pape Jean-Paul II, en 1986.
Il est malheureux que l’abbé René Laurentin, qui a un sens particulier de l’éthique, ait publié une partie de l’étude confidentielle qui accompagnait les recommandations. Un prêtre et pasteur devrait savoir que le caractère confidentiel d’une évaluation clinique et diagnostique intime se doit d’être respectée.
Cependant, les fidèles qui s’interrogent sur les spectacles de « télé-réalité » que sont devenues les présumées extases et apparitions n’auraient-ils pas intérêt à connaître les avis pastoraux soumis par cette équipe multidisciplinaire aux autorités religieuses compétentes, il y a 25 ans ?
Voici le dernier paragraphe desdites recommandations écrites en italien et signées par le professeur autrichien Gottfried Roth, neurologue spécialisé en psychiatrie pastorale (décédé en 2006), la professeure polonaise Wanda Poltawska, également spécialisée en psychiatrie pastorale et amie intime de Karol Wojtyla devenu le pape Jean-Paul II, le psychiatre Pietro R. Cavalleri et les médecins Caterina Tribbia et PierGiorgio Spaggiari, tous italiens.
Les médecins soussignés conseillent, en outre, que les apparitions aient lieu en présence seulement des prêtres responsables à l’exclusion de toute autre forme de public. Cela non seulement pour rendre plus adéquat le climat spirituel mais aussi pour éliminer quelque renforcement de type suggestif. En science et conscience. Varèse, 12 janvier 1986
Au moment de leur visite à Medjugorje, quatre ans et demi après le début des événements, les experts ont observé que les visionnaires étaient soumis à une pression très intense de type psychologique exercée par les nombreux pèlerins qui, quotidiennement et constamment, recherchaient le contact avec eux.
Ils ont donc exprimé leur préoccupation qu’une telle absence de réserve à laquelle étaient objectivement contraints les voyants puisse constituer un élément destiné à corrompre la spontanéité des phénomènes à l’étude pour vérifier la possibilité d’une attribution à une cause surnaturelle.
Le personnel pastoral de Medjugorje a ignoré ces avertissements et ces recommandations en connaissance de cause. L’abbé René Laurentin les a contrés publiquement :
Ces risques, les psychiatres les ont perçus avec acuité. Ils préconisent d’écarter les voyants de Medjugorje, où les foules les assiègent de manière insoutenable.
C’est vrai qu’ils subissent, sans protection, des risques de détérioration dont il faudrait davantage les protéger. Mais qui n’en assume pas, dans son milieu de travail et souvent dans sa propre famille? Les enquêtes de médecins, plus encore de psychiatres, sont d’ailleurs plus traumatisantes que des visites ordinaires. Et cela d’autant plus que les médecins (comme d’ailleurs les enquêteurs de la Commission théologique) viennent en juges.
[La prolongation des apparitions de Medjugorje, Paris : O.E.I.L., 1986, P. 69]
Jean-Paul II n’a pas attendu les propos du mariologue qui dénotent une incompétence grossière relative à ce que sont les psychiatres spécialisés en pastorale et à leurs activités professionnelles. Il a pavé la voie de la responsabilité pastorale, quelques mois avant l’étude clinique de ces derniers :
A ceux qui partagent la foi catholique ou qui sont en recherche à son endroit, j’ajoute ceci: approfondissez votre foi. N’acceptez pas l’idée d’une opposition entre la foi et la science: ce sentiment ne peut venir aujourd’hui que d’une méconnaissance des méthodes de l’une et de l’autre. […] Réfléchissez avec vos évêques, vos aumôniers, vos mouvements pour développer une pastorale de l’intelligence qui surmonte cette dichotomie.
Trop de vos confrères se laissent séduire, de bonne foi souvent, par des associations qui semblent généreuses, brillantes, qui peuvent offrir des avantages, mais qui en réalité entretiennent de grandes confusions dans les idées, une suffisance sectaire, avec parfois des méthodes occultes et un mysticisme syncrétiste, incompatibles avec l’Église. Cet ébranlement ne vient-il pas en partie de ce que leur foi, depuis leur catéchisme d’enfants, ne s’est pas approfondie au rythme de leur éducation et de leurs responsabilités, qu’il y a comme un déséquilibre dans leur formation?
Sans la collaboration du personnel pastoral de la paroisse, l’évêque de Mostar s’est trouvé dans l’impossibilité d’appliquer les critères de la pastorale de l’intelligence.
Selon lui, le père Tomislav Vlasic fabriquait les soi-disant messages de la Dame de Medjugorje.
Imbu de sa « mission » devenue désespérée à la suite de cette dénonciation de l’Ordinaire du lieu, le « mystificateur » écrivit une « Lettre à un ami, à Rome », fort probablement Mgr Pavel Hnilica, en l’implorant d’intervenir de toute urgence auprès du Vatican pour que Medjugorje soit « libéré du gouvernement de l’évêque de Mostar » et mis en tutelle par une commission internationale sous la gouverne d’un visiteur apostolique :
Bisognerebbe muovere anche tutti gli altri (studiosi, teologi, vescovi, cardinali…) Ormai dobbiamo riconoscere che satana può agire anche nelle structure della Chiesa.
Il faudrait mobiliser aussi tous les autres (les chercheurs, les théologiens, les évêques, les cardinaux…). Maintenant, nous devons reconnaître que Satan peut agir, même dans les structures de l’Église.
[Lettre adressée de Vitina, le 5 janvier 1985. Cf source 167 et note 191 de La face cachée de Medjugorje]
Il semble bien que l’appel du père Vlasic et l’influence de l’abbé Laurentin ont porté leurs fruits jusqu’à aujourd’hui.
En dépit des preuves de falsifications de documents historiques relatifs à la Dame de Medjugorje et malgré la conviction éclairée de l’évêque de Mostar, Mgr Ratko Peric, signifiée dans son constat de non supernaturalitate, les Franciscains de Medjugorje ont en effet trompé et mobilisé des prêtres, des évêques, des cardinaux et des millions de fidèles au moyen de stratagèmes fallacieux, d’un jeu politique nationaliste et d’immenses sommes d’argent récoltées auprès de pèlerins fervents.
Il y a 14 ans, l’Ordinaire de Mostar a formulé le souhait que le Saint-Siège établisse une Commission qui prononcerait un jugement final sur le cas de Medjugorje. Il n’a été entendu que l’an dernier. Comment expliquer cet « attentisme prudent » ?
Est-ce que la « suffisance sectaire, avec parfois des méthodes occultes et un mysticisme syncrétiste » des Franciscains de Medjugorje auraient séduit certaines hautes autorités du Vatican ? « De grandes confusions dans les idées » se seraient-elles emparées de certaines hautes autorités pour leur faire ignorer les dizaines de milliers de messages infantilisants adressés par la Dame de Medjugorje à « ses chers petits enfants » qui ont atteint la presque cinquantaine ? Comment, dans de telles circonstances d’« ébranlement », la foi de ces « messagers » pourrait-elle s’« approfondir au rythme de leur éducation et de leurs responsabilités » ? L’éventuel « déséquilibre dans la formation » des messagers/visionnaires aurait-il échappé aux attentistes en haut lieu ?
Selon le Cardinal Puljic, on a résolu la dimension doctrinale du phénomène de Medjugorje. Souhaitons que cela ait été fait dans l’esprit des Normes de 1978. Si tel est le cas, les membres de la Commission Ruini n’ont-ils pas l’occasion rêvée de développer une « mariologie des profondeurs », avec un zeste d’intelligence de la pastorale ?
Les paroles récentes de Benoît XVI nous permettent d’espérer une issue encourageante, car il semble veiller au grain !
Vos commentaires sont les bienvenus, sauf ceux des « anonymes » qui seront éliminés d’emblée.
Avec mes salutations cordiales,
Louis Bélanger
Francois Pouliot
avril 1st, 2011 à 11:06